Journal Le Sphinx

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QUAND UN CONFRÈRE FORCE L’ADMIRATION

RECONSTRUCTION D’OGOSSAGOU

Où sont passés les 300 millions décaissés ?

Réception de chantier fictif ?

Le chantier de reconstruction, des villages de Sobanè da et d’Ogossagou-Peulh, après les

massacres de 2019 et 2020, n’a pas fini de faire couler beaucoup d’encre, dans le sillage du sang

versé à la suite de meurtrières exactions.

En guise de rappel, sur instruction du président IBK, qui s’yétait engagé, le Premier ministre Boubou Cissé avait débloqué300 millions Fcfa, pour la reconstruction d’Ogossagou-peulh et

Sobanè Da ! C’est ainsi quel’État a décidé la construction, ,notamment à Ogossagou-peulh,

de 60 concessions destinéesaux survivants du double massacre. Le marché, sur financement du budget d’État, a doncété attribué à l’entreprise Groupement Hanako ETC, de M. Kassoum Bagayoko.

Le 16 décembre 2021 donc, M. Souleymane Guindo, en service à la Direction régionale du

Budget de Mopti, signait pour lecompte et par ordre du Directeurrégional du même service, lesAvis de réception N°32 et 33 /DRB-M, conviant, pour le vendredi 17 décembre suivant, « les

membres de la CommissionSpéciale de réception à la réception provisoire des travaux de

construction d’un marché de 10hangars au village d’Ogossagou-Peulh, Cercle de Bankass » et

« de reconstruction du village d’Ogossagou-Peulh » dans lemême cercle.

La « commission spéciale deréception » ainsi conviée, outre ladirection régionale du budget initiatrice, en plus de la direction régionale du Contrôle financieren qualité d’observateur, était

composée du sous-préfet de l’Arrondissement de Bankass et du chef de village d’Ogossagou-peulh, ou leurs représentants, ainsi qu’un représentant du service de l’urbanisme et un autre

du Groupement Hanako-ETC, l’entreprise bénéficiaire des marchés de reconstruction.

Mais des doutes subsistentquant aux conditions de cetteattribution qui paraissent confuses. Car, selon les informations recueillies auprès de la population, il semble bien que l’administration, maître d’ouvrage, aitplutôt fait signer par le chef devillage un « PV de réception »,comme cela s’est avéré plustard, alors qu’aucune construction n’avait été réalisée.

Complicité de ladirection régionale

D’ailleurs, en guise de preuves, entre ce vendredi 17 décembre 2021 et ce 20 mars 2023,

date à laquelle nous avons fait prendre des photos sur le terrain à Ogossagou-peulh même, les

photos du chantier ou de ce quisemble tel amènent à se poserune série de questions. Dont en premier, celle de savoir sur quoia porté effectivement la réception des travaux pour laquelle M. Souleymane Guindo avait émis des avis de convocation au nomdu Directeur régional du Budgetde Mopti.

De toute évidence, ilsemble que la réception des travaux ait eu lieu, avant même le

démarrage des travaux.Les photos, que nous publions, sont celles des « maisons » réalisées par le groupement Hanako ETC et prouvent àsuffisance que la réception provisoire semble avoir été faite…avant le début des travaux. Eneffet, comme l’attestent les avis

de la direction régionale du Budget, la réception est censéeavoir été effective depuis plus de

trois ans maintenant, avant lesphotos actuelles.

Au vu des ruines et du délabrement général de ce qu’il est impossible de qualifier de chantier de travaux en cours, la responsabilité de la Direction régionale du Budget est objectivement engagée dans ce qui paraît être au mieux une collusiondans une entreprise de détournement des ressources publiques.

Au pire, une gigantesque arnaque au détriment de l’Etat et de la population ainsi doublement victime de tueries communautaires et de l’administration de l’Etat censée lui porter secours. De fait, pour renforcer lecaractère fictif de ce marché, à Ogossagou-peulh, personne n’a entendu parler des hangars dumarché, pourtant compris dansle marché de reconstruction.

Bien que mentionnés dansl’Avis N°32 de la direction régionale du Budget, ces 10 hangars

n’existent tout simplement pas.Ce qui interroge sur la fiabilitéde l’Avis N° 32 relatif « à la réception provisoire des travaux deconstruction d’un marché de 10 hangars… ». Soit ces deux avissont faux, soit la direction régionale du budget de Mopti a procédé à la réception provisoire paranticipation de travaux non encore effectifs, avec toutes les conséquences de droit à tirer

d’une telle pratique malsaine.

Un sentiment de malaise querenforce les révélations des notabilités d’Ogossagou-peulh qui

affirment avoir été saisies, maisautomatiquement rejetée, d’une transaction au terme de laquelle

une somme leur aurait été proposée, comme dans le cas de Sobanè da, à partager entre les

habitants du village martyr.Nous avons demandé, sansréponse jusqu’au moment oùnous mettons sous presse, à M.Souleymane Guindo, d’authentifier les deux avis estampillés

de sa signature et si toutefois il reconnaissait les photos des maisons délabrées comme

étant bien les travaux qu’il a fait réceptionner provisoirement le17 décembre 2021.

En dépit des assurances quenous a données l’entrepreneur,force est pourtant de constater

que le chantier est à l’abandon, ressemblant plutôt à des ruines avec des murs fissurés quand ils

ne sont pas simplement écroulés, des tôles de toiture tordueset arrachées, des portes et fenêtres ou ce qui en tient lieu pendouillant dans les concessions inachevées, en train d’être

volées nuitamment par ceux quiescomptent bien le départ définitif des Peulhs.

Les habitants du village, qui étaient restés, espérant pour voir renouer avec quelques cycles de

vie, ont vite déchanté et certains ont repris le chemin de l’exil en

désertant le village. Personne necroit plus en la bonne foi desautorités et leurs promesses.Actuellement, il reste moins de300 habitants à Ogossagou.

À l’approche de cet hivernage 2023, ceux qui sont restésne savent plus où s’abriter et

sont contraints de mouler desbriques pour fabriquer à la hâteun abri de fortune dans la perspective des pluies à venir.

Face à la prolongation desmalheurs des habitants, ainsiperpétués sous une de ses formes les plus abjectes, tout porte à croire que la tragédie de Ogossagou est devenue un fonds de commerce pour lesONG, les associations caritatives et autres marchands d’illusions humanitaires. Bien entendu, avec certains responsablesde l’administration qui ne se gênent pas pour se servir au passage.

Moussa Touré ( Nouvelle Libération N° 3053 du jeudi 23 mars 2023)