Journal Le Sphinx

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Extrait de la lettre adressée au Procureur

En cause, «des responsables de la direction de la CANAM, des cadres administratifs et politiques au niveau de la Sécurité et de la protection civile, du ministère des Finances, de la Primature…»

A Monsieur le Procureur du Pôle National Economique et Financier

«Objet : Dénonciation de faits susceptibles de constituer des infractions ayant occasionné des pertes pour le Trésor public cachant une atteinte aux biens publics, à l’occasion des marchés de cartes AMO, de cartes dites biométriques.

[…] «L’affaire débute le 29 avril 2016, par l’adoption en Conseil des Ministres du décret N°0253 P-RM portant institution et règlement de la carte d’identité nationale sécurisée CEDEAO couplée à l’assurance maladie.

Cette carte si importante devrait servir à la fois de carte d’identité sécurisée, de carte médicale, de carte d’électeur et même de carte bancaire parce qu’ayant une sécurisation garantie par des éléments de sécurité, notamment de biométrie.

Il vous reviendra également que le sujet a fait l’objet d’une interpellation du ministre de la sécurité et de la protection civile, par l’Assemblée nationale à sa session du jeudi 10 mai 2018, en l’occurrence, le Général Saiif TRAORE qui a été au centre de cette affaire.

Les deux parties s’étaient mise définitivement d’accord depuis le 27 janvier 2017 sur un prix unitaire de 9.000 FCFA, dans un premier temps.

Dans un deuxième temps, les mêmes représentants de l’Etat remettront en cause les montants convenus par PV, pour l’attribution définitive du marché à la société CISSE- Technologies pour exiger un coût unitaire de 6.000 F CFA.

En dépit de l’accord définitif sus-indiqué, la société CISSE-Technologies aurait consenti l’acceptation de ce nouveau prix imposé, par courrier, en date du  29 août 2017, pour lever le dernier blocage à la «deuxième finalisation définitive» du marché de production des cartes biométriques sécurisées couplés aux cartes AMO, en acceptant le énième prix imposé par l’Etat lui-même qui était de 6.000F l’unité.

Le ministre de l’Économie et des Finances au moment des faits, en l’occurrence, Boubou Cissé, aurait ainsi réussi à contraindre l’attributaire définitif à ramener le prix de la carte d’identité biométrique couplée à l’assurance maladie et services associés de 13.500 FCFA proposés, à 6.000 FCFA, après avoir définitivement accepté un prix de 9.000 F, avant de se raviser, obtenant de ce fait une économie de plus de moitié du prix proposé, sur la carte biométriques sécurisées couplés aux cartes AMO et services associés.

Cette acceptation devrait, en principe, clôturer le processus de négociation par lequel le ministère des finances lui demandait la réduction des prix unitaires de 9.000 F CFA qu’il avait proposé par son offre financière.

Les déclarations du ministre de la sécurité et de la protection civile, en l’occurrence, Salif TRAORE, en date du 10 mai 2018, au cours de son interpellation à I’AssembIée Nationale ne correspondraient donc pas volontairement à la vérité, pour des fins que nous ignorons.

La société Cissé technologie aurait même été retenue par une commission technique comprenant le représentant de la Commission de la CEDEAO, qui a confirmé la conformité des spécimens proposés par cette société aux exigences de la CEDEAO, en vue d’assurer la sécurité de niveau 1 et 2.

Ainsi, en application du Décret N° 2016-0253/P-RM du 29 avril 2016 portant institution et réglementation de la carte d’identité nationale sécurisée CEDEAO couplée à l’assurance maladie et services associés aurait été attribuée en toute conformité avec les textes nationaux et ceux de la CEDEAO.

Le député Oumar MARIKO au cours de la séance d’interpellation en date du 10 mai 2018 à l’Assemblée Nationale s’interrogeait légitimement : «Par Décision Numéro 2017- 780-MSPC-SG du 12 octobre 2017, vous procédez à l’annulation de l’appel d’offre relatif au marché de la carte biométrique sécurisée. Monsieur le Ministre, quel est le motif de l’annulation de la notification provisoire que vous avez adressée à Cissé Technologies le 26 août 2016 ? Monsieur le Ministre, êtes-vous au courant de l’engouement et de l’espoir suscités auprès des jeunes par le projet de confection de cartes biométriques par Cissé Technologie ? Etes-vous au courant que le projet permettait de créer immédiatement 700 emplois réels ?».

«Qui tire les ficelles» avait fini par demander Oumar Mariko puisque affirma-t-il : «ce n’est pas Cissé Technologies qui a proposé les 6.000 FCFA mais bien le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Général Salif Traoré dans sa lettre N° 2557/MSPC-SG du 23 août 2017, à la suite de concertations avec le ministre de l’Economie et des Finances».

Si l’on s’en tient à ces éléments, en dépit de l’acceptation formelle des prix proposés par le Gouvernement lui-même, celui-ci trouvera le moyen d’annuler ledit marché dont l’attribution formelle avait été déjà notifiée à CISSE technologies, pour des raisons que nous ignorons.

Il est utile de préciser qu’au cours de cette procédure, le Comité de Règlement des Différends de l’Autorité de Régulation des Marchés Publics et des Délégations de Service Public avait rendu dans cette affaire la Décision n°043/ARMDS-CRD du 23 août 2016 qui déclare la demande d’infructuosité de la DGMP-DSP mal fondée et ordonne la continuation de la procédure de passation de l’appel d’offres.

Cependant, avant même la fin des négociations, la CANAM a, parallèlement, lancé un appel d’offres, pour la confection de nouvelles cartes AMO, approuvé par le Directeur Général des marchés publics, Ben Haïdara, pourtant président de la commission de négociation de prix, pendant que ces négociations continuaient, certainement une astuce pour découpler et casser le marché, au mépris du décret qui prônait le couplage de la carte d’identité biométrique et de la carte de l’assurance maladie.

Or, semble-t-il, le couplage permettait au Mali de payer le prix d’une seule carte, en mutualisant plusieurs éléments (cartes, matériel d’enrôlement, lecteurs.).

L’attributaire floué affirme même que toutes les cartes finalement produites, prises une à une, en dépit de leur coût élevé, ne sont pas à la hauteur de celles qu’il proposait et qui permettaient, en même temps d’économiser sur le coût de fabrication (cartes AMO, cartes d’identité dites «biométriques sécurisées») et de proposer des services associés, comme le transfert d’argent.

Suivant ses affirmations, celles ne répondent pas non plus aux normes et spécificités exigées par la CEDEAO qu’auraient respecté certains pays, comme le Ghana.

Pourtant, tout laisse croire que les responsables de la CANAM de l’époque ont procédé à un fractionnement, pour pouvoir produire lesdites cartes, à travers les marchés suivants, en lien avec le marché annulé à des sociétés qui venaient juste d’être créées, apparemment pour les besoins de la cause.

La dizaine de marchés, frôlant la dizaine de milliards ont été attribués, pour les besoins de la cause comme le corroborent les numéros d’immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit mobilier des deux nouvelles sociétés, fraichement créées la même année, soit en 2017.

Il s’agit des sociétés suivantes :

  • Solution Informatique Sarl, immatriculé sous le numéro RRCM MA.BKO.2017. B.312700, représentée par Boubacar DIAKITE et ;
  • Centre Malien pour le Commerce (CEMAC) Sarl immatriculée au RCCM sous le numéro MA.BKO-2017. B.3127, représentée par Cheick O.O. KONE.

Pour l’année 2017

  • Marché n° 00334/DGMP-DSP 2017 passé par « appel d’offres ouvert » portant sur la Fourniture de matériels techniques et de cartes d’assurés pour un montant maximum de 438 900 000 FCFA TTC
  • Marché n° 00335/DGMP-DSP 2017 passé par « appel d’offres ouvert » portant sur la Fourniture de matériels techniques et de cartes d’assurés pour un montant maximum de 352 458 960 FCFA TTC ;
  • Marché n° 00336/DGMP-DSP 2017 passé par « appel d’offres ouvert » portant sur la Fourniture de matériels techniques et de cartes d’assurés pour un montant maximum de 1 967 490 000 FCFA TTC ;
  • Marché 00337/DGMP-DSP 2017 passé par « appel d’offres » portant sur la Fourniture de matériels techniques et de cartes d’assurés (Fourniture de station d’enrôlement) pour un montant de 279 720 706 FCFA TTC ;
  • Marché n° 00338/DGMP-DSP passé par « appel d’offres » portant sur Fourniture de matériels techniques et de cartes d’assurés (Fourniture de pièces d’usure pour le compte de la Canam), pour un montant de 280 477 826 FCFA TTC (voir documents).

Pour l’année 2018

  • Marché n°01638/DGMP-DSP 2018 passé par reconduction du marché n° 00335 DGMP/DSP 2017 portant fourniture de matériels techniques et de cartes d’assurés (Fourniture de pupitre de mise à jour) pour un montant maximum de 352 458 960 FCFA TTC ;
  • Marché n°2232/DGMP-DSP 2018 passé par reconduction du marché n° 00334/DGMP-DSP portant fourniture de matériels techniques et de cartes d’assurés (Fourniture de cartes d’assurés ALD et H pour le compte de la CANAM, pour un montant maximum de 438 900 000 FCFA TTC ;
  • Marché n° 01640/DGMP-DSP 2018 passé par reconduction du marché n°00336/DGMP-DSP 2017 portant fourniture de matériels techniques et de cartes d’assurés pour un montant de maximum 1 967 490 000 FCFA TTC ;
  • Marché n° 01641/DGMP-DSP 2018 passé par reconduction du marché n° 00339/DGMP-DSP 2017 portant fourniture de matériels techniques et de cartes d’assurés pour un montant maximum de 1 995 000 000 FCFA TTC

Marché n° 0865/DGMP-DSP 2021 passé par appel d’offres ouvert conformément aux dispositions de l’article 50 du décret n° 2015-0604-P-RM du 25 septembre 2015 portant Code des marchés publics et des Délégations de Service public portant sur l’acquisition de stations d’enrôlement et de kits d’authentification pour le compte de la CANAM, en lot unique pour un montant de 719 703 039 FCFA TTC.

Les décideurs de la CANAM avaient certainement des raisons particulières d’attribuer ces marchés à CEMAC SARL et Solution Informatique, deux sociétés créées de toutes pièces pour les besoins de la cause, certainement.

Il s’agit de Luc Togo et Diaminatou Sangaré, respectivement Directeur Général et Directrice de l’informatique qui représentait pourtant la CANAM dans la commission de négociation de prix dirigée par le directeur Général des marchés publics d’alors, en l’occurrence Ben M’bouillé Haïdara.

Ce faisant, la CANAM aurait fait dépenser plus de 10 milliards au contribuable malien alors même que son fournisseur avait promis de lui livrer gratuitement les cartes…

Il devient donc clair que sur les plans sécuritaire et même budgétaire, la confection de carte AMO en couplage avec la carte d’identité sécurisée était plus que bénéfique et répondait techniquement aux besoins de sécurité avec l’actualité du terrorisme et la volonté de sécuriser et assainir l’accès aux pièces d’état civil maliens.

Par ailleurs, le motif ayant servi à l’annulation du marché attribué à la société Cissé technologies en 2018 est manifestement erroné à partir du moment où le prix accepté de 6.000 F.CFA a été fixé par le Gouvernement lui-même.

Le même motif erroné a été malheureusement, de nouveau, servi au cours du Conseil des Ministres tenu le 12 octobre 2022, pour justifier le découplage et l’institution d’une nouvelle carte biométrique sécurisée couteuse à l’Etat.

Il pourrait, dans le meilleur des cas, être le fait de techniciens ayant volontairement induit leur ministre en erreur.

En effet, le rapport du ministre de la sécurité ayant introduit l’examen du projet de décret qui deviendra le Décret n°2022-0639/PT-RM du 03 novembre 2022 portant institution et règlementation de la Carte nationale d’identité biométrique sécurisée (CEDEAO pour la République du Mali) affirme effectivement :

«Malheureusement, cette procédure (d’attribution de marché) a été annulée suite au désaccord intervenu entre le ministère de l’Economie et des finances et l’attributaire provisoire sur le prix de cession de la carte…».

Cependant, en parcourant les informations sus-exposées, l’on se rend à l’évidence du caractère erroné de ces affirmations.

A notre avis, le lancement de divers marchés par la CANAM portant sur le même objet que le marché qui faisait encore l’objet de négociation avec la société CISSE technologies qui a imposé la séparation de la carte d’identité sécurisée, de la carte d’électeur, de la carte AMO, n’est rien d’autre que du fractionnement de marché pourtant interdit par le code des Marchés publics ayant occasionné des pertes énormes pour Trésor Public, en raison de la surenchère sur le coût de confection de différentes cartes qui pouvaient être couplées sans difficulté technique ni juridique :

  • Cartes AMO,
  • Cartes NINA et, »  Cartes dites « biométriques sécurisées ».

Ainsi, selon les informations relayées, les dépenses de fabrication de la carte NINA, en 2017 auraient coûté à l’Etat autour de 2 (deux) milliards, sans résultat tangible.

En 2018, de nouvelles cartes d’électeurs ont été commandées à 3 milliards, semble-t-il avec le partenaire de Cissé Technologies avec qui la négociation était en cours pour les cartes couplées.

Quant au marché sur les cartes nationales d’identité dites biométriques, il a été attribué à un autre prestataire, avec des coûts supplémentaires puisqu’ils auraient coûté à l’Etat la bagatelle de 40 milliards, avec les résultats que nous connaissons puisqu’il n’a pas permis d’aboutir à la correction des erreurs sur les cartes.

Ces cartes demeurent d’ailleurs avec les erreurs que beaucoup de citoyens peuvent confirmer, sans compter que cela a abouti à la prise en otage des données nationales, comme il ressort du communiqué des autorités, en l’occurrence, celui du porte-parole du Gouvernement, par laquelle celui-ci a justifié le report des élections prévues pour avril 2024.

Le plus grave, c’est que vous vous rendrez, aisément, compte que ces cartes dites «biométriques sécurisées» ne répondent pas aux normes minimales de sécurité, fixées par la CEDEAO et dont les spécimen et Guide pratique dont les spécimens ont été officiellement présentés par la commission le 17 décembre 2015 et remis aux chefs d’Etat et chefs de délégations et dont le respect scrupuleux des spécifications techniques a été ensuite exigé par la CEDEAO, par courrier N°ECW/REL/010- COMMTCIMF/FM/ en date du 10 mars 2016 dont copie est jointe.

Vous trouverez toutes les spécifications techniques obligatoires détaillées dont l’exigence d’une puce électronique dans le Guide.

Ces éléments de sécurité obligatoire de Conformité aux spécifications de la CEDEAO/Mali (niveau 1 et 2) de cette carte qui ne sont pas sur la carte dite «biométrique sécurisée» du Mali sont les suivants :

  1. Format ID1,
  2. Matière Polycarbonate (Bruit caractéristique),
  3. Présence d’une impression irisée (Vert/Marron/vert),
  4. Présence de tous les champs de personnalisation (Recto),
  5. Présence des bords transparents (Recto ou Verso),
  6. Présence d’un hologramme (Recto),
  7. Présence d’effets tactiles (Recto),
  8. Présence d’un MLI (Recto),
  9. Présence d’une image fantôme (Recto),
  10. Présence d’encres UV (Recto),
  11. Présence d’un filigrane aluminium personnalisé (Recto ou Verso),
  12. Présence de mirro-lettrage laser (Recto),
  13. Présence d’un OVI (Verso),
  14. Présence d’un module personnalisé (Verso),
  15. Présence de la MRZ (Verso),
  16. Présence d’encres UV (Verso),
  17. Présence d’élément Puce électronique.

A travers ces agissements incohérents, notre Réseau soupçonne des faits déguisés de corruption, de délit d’initié et même de blanchiment, favorisés par un fractionnement grossier permettant d’attribuer des marchés à des sociétés nouvellement créées pour capter ces «opportunités»…

Or, le marché annulé après validation du contrat par l’acceptation du prix proposé par le Gouvernement semblait répondre à ces spécifications ci-dessus énumérées, sous condition de votre enquête et permettait, pour l’ensemble de la population de mettre les cartes nécessaires à la disposition de la CANAM avec le même budget et en même temps, de constituer une base de l’état civil fiable hébergée au Mali, à un coût moins élevé.

A cet effet, vous pourrez vérifier si le coût de l’unité de la carte AMO ajouté à celui de la carte biométrique est inférieur aux 6.000 F que la société Cissé Technologies avait accepté, sans tenir compte des options supplémentaires que cette carte semblait offrir, comme les possibilités de transfert d’argent et de création d’emplois, comme semble l’affirmer son Directeur.

Ces actes seraient le fait, non seulement de la direction de la CANAM à laqueIIe se sont associés d’autres responsables administratifs et politiques au niveau des départements, notamment de la sécurité et de la protection civile et du ministère des finances mais également au niveau de la Primature.

C’est pourquoi, nous vous saisissons, par le présent courrier, tout en vous transmettant les pièces et autres journaux auxquelles nous avons pu avoir accès, afin que vous puissiez ouvrir une enquête, aux fins de situer les responsabilités des faits qui ont occasionné au citoyen malien la déperdition de ressources si rares.

L’attributaire provisoire du premier marché portant sur la carte couplée nous a également confirmé nos soupçons, tout en nous manifestant son choix de ne pas pouvoir nous transmettre les éléments dont il dispose qu’iï serait cependant à l’aise à mettre à votre disposition dès lors que vous en manifestez l’intérêt.

Celui-ci nous a cependant rassuré de sa disponibilité à collaborer, si besoin est, avec la justice, pour vous fournir tous les détails techniques ayant mené à l’annulation paradoxale du marché ainsi que les motivations maladroites qui auront pu expliquer l’annulation du marché couplé au profit de multiples marchés excessivement coûteux pour l’État en raison des multiples marchés attribués à de nouvelles sociétés qui semblent n’avoir été créés que pour capter les opportunités liées à l’inflation des marchés autour de cette affaire de «cartes».…

En outre, il se dit à même de vous assister pour faire la démonstration technique du fait qu’aucune des cartes fabriquées ne répond aux spécifications et exigences de la CEDEAO figurant dans le guide et spécimens.

Espérant que votre intervention permettra de faire la lumière, de façon diligente et de situer les responsabilités sur les déperditions volontairement occasionnées au trésor Public, nous restons à votre disposition, pour d’éventuels éclairages».