Journal Le Sphinx

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LE MONDE FOOT EN DEUIL

Le dernier dribble de Domingo

Salif Keïta plus connu au Mali sous le nom de Domingo nous a quittés samedi dernier, très tôt le matin. Il était interné à la Clinique Golden Life depuis plusieurs jours,  à la suite d’une insuffisance respiratoire.
Né le 6 décembre 1946 à Bamako, Domingo a marqué en lettres d’or son nom dans l’histoire du foot mondial.

Très jeune,  il attire de nombreux fans qui n’hésitaient pas à sillonner les terrains de foot de Bamako pour admirer ses dribles, sa vitesse de pointe et sa dextérité devant les buts qu’ils marquaient avec une facilité déconcertante. Tête de proue de l’équipe des Pionniers de Ouolofobougou-Bolibana, il rejoint très tôt le Réal de Bamako puis l’équipe nationale du Mali à …seize ans.

Bien que joueur du Réal de Bamako, il amènera, en 1965, Le Stade Malien jusqu’en finale de ce qu’on appelait à l’époque la Coupe d’Afrique des Clubs champions qu’il perdra face à l’Oryx de Douala. Le règlement de jadis permettait , en effet, à chaque équipe championne de se renforcer avec trois autres joueurs d’autres club évoluant dans le championnat national

L’année suivante, en 1966, il hissera son club Le Réal en finale en 1967 qu’il perdra également avec les Noirs et Blancs de Bamako. Les deux clubs n’atteindront plus jamais ce stade de la compétition.

Après ces deux finales perdues, il quitte clandestinement Bamako pour Monrovia via Abidjan. Avant d’embarquer dans la capitale libérienne pour Paris, il se fait voler tout son argent  C’est donc sans le sou qu’il débarque à Orly. Il arrive cependant à convaincre un taximan parisien de l’emmener à Saint-Étienne en lui montrant toutes les correspondances échangées avec le club stéphanois. Ce périple entrera dans l’histoire grâce au chanteur français Monty : «  Un taxi pour Geoffroy-Guichard ». Saint-Étienne ne regrettera pas de payer les 1 060 Francs français de l’époque soit 1 314 euros au cours actuel, car l’équipe de Roger Rocher sera, grâce à son immense talent,  trois fois championne de suite.

Le 19 novembre 1967, lors de son premier match en championnat national, Domingo marque dès la 7ème minute de jeu contre l’AS Monaco. La saison  70-71 fut la plus faste il y réalise quatre quadruplés et inscrit 42 buts ce qui lui permettra de terminer derrière le Yougoslave Josib Skoblar (44 buts). Deux  records jamais égalés.

Le 31 mars 1971 à Colombes, Salif Keïta affronte sur le terrain le Roi Pelé lors d’un match amical entre le Santos Futbol Club et une « Entente ASSE-OM ». À la fin du match, le Roi répétait : «  El Negro, El negro » : le Noir, Noir, pour désigner Salif Keïta qui l’a complétement ébloui par son talent.

Le 4 juin de la même année, alors en lutte pour le titre, Saint-Étienne reçoit la lanterne rouge,  Sedan, pour le compte de la 35ème journée. Salif Keïta inscrit 7 buts lors d’un véritable récital ponctué d’une écrasante victoire 8-0

Après cinq brillantes saisons avec Saint-Étienne, France Football dont le ballon d’or récompensait uniquement le meilleur joueur européen crée la variante africaine en 1970 afin de rendre hommage à sa classe exceptionnelle. Il est sacré ballon d’or africain alors qu’il était en crise avec Saint-Étienne qu’il quittera ensuite pour rejoindre l’Olympique de Marseille, le grand rival.

Le hasard voulut que le premier match de la Panthère Noire -nom que lui a donné les supporters stéphanois- après son transfert controversé soit  contre Saint-Étienne. Il marquera deux fois contre ses ex-coéquipiers en faisant un bras d’honneur à son ancien président Roger  Rocher. Ce geste qu’il regrettera ensuite lui valut trois matches de suspension.

Un Keïta peut en cacher un autre

En 1972, lors de la Coupe d’Afrique des nations qui a lieu à Yaoundé au Cameroun, il est blessé dès le premier match contre le Togo (3-3).Pour sa première participation à la Coupe d’Afrique des Nations, le Mali parviendra tout de même en finale après une épique demi-finale contre le Zaïre (RDC aujourd’hui) gagnée 4 à 3 .

Certes, ce 5 mars 72, l’hirondelle Domingo blessée ne puit pas grand-chose lors de la finale contre le Congo Brazzaville. Elle sortira quelque minutes. Plus tard.  Le Mali perd à la surprise générale (sa) coupe  3 à 2. Mais au Royaume des buteurs, avec 5 buts, un autre Keïtaest couronné  Roi : Cheick Fantamady, celui-là qui sortit le grand Zaïre de l’époque en réalisant un doublé mémorable en demi-finale

Salif quitte la France


Refusant la nationalité française, Domingo est obligé de quitter Marseille et la France dans une atmosphère délétère pour  l’Espagne, plus précisément à Valence où il a pour entraineur le grand Alfredo Di Stefano et un partenaire, le virtuose du ballon rond hollandais. : Johnny Rep avec lequel il formera un duo magique ; comme avec Hervé Revelli quand il était à Saint-Étienne

En 1976, il signe au Sporting Club du Portugal. Quatre ans plus tard, en 1980, il finit sa carrière au  New England Tea Men de Boston ( Etats-Unis), Il avait  34 ans.

En 1991, il devient ministre délégué auprès du Premier ministre Zoumana Sako en charge du secteur privé dans le gouvernement de la Transition.

En 1994, Salif Keïta crée le premier centre de formation professionnelle de football où seront formés par le coach et ex-joueur Samballa Sissoko, deux joueurs de classe mondiale : Seydou Keïta et Mahamadou Diarra dit Djila qui feront les beaux jours du FC Barcelone pour le premier et du Réal de Madrid pour le second. Le CSK, le club éponyme intègre le championnat national et finit même deuxième en 1998 puis finaliste de la coupe du Mali en 2010.

L’Ordre du Mérite

En 1996, il obtient l’Ordre de Mérite de la FIFA, la plus grande distinction du football mondial au même titre que Pelé, Alfredo Di Stefano, Eusebio Da Silva  et Ferenc Puskas. Il reste encore aujourd’hui le seul Africain à avoir eu cet insigne honneur.
En 2005, il devient président de la Fédération malienne de football dans une élection controversée immortalisée par un article mémorable de votre journal préféré sous le titre : « L’arme du crime ». Cette élection est une première pour un ancien joueur en Afrique au Sud du Sahara.
Réconciliée avec  Saint-Étienne, la Panthère noire est nommée le 26 juin 2013 ambassadeur à vie de l’équipe stéphanoise  qui s’est inspirée de son surnom pour créer sa mascotte.

Le 19 mai 2018, il inaugure le nouveau Stade Salif Keïta rebaptisé en son nom par Saint-Étienne.

Certes, Salif n’était pas un parangon d’humaniste mais il  est sans conteste le meilleur footballeur africain de tous les temps et l’un des meilleurs que le monde du foot ait connu.

Mercredi dernier des milliers de Bamakois ont accompagné leur Domingo à sa dernière demeure.

Adieu  l’Artiste.

A.D

Les Onze entrants de la finale : Feu Mamadou Keïta-  feu Cheick Sangaré,  Kindia Diallo, Idrissa Maïga Metcho, Feu Boubacar Traoré-  Feu Ousmane  Traoré dit Ousmane Bléni , Feu Issa Yattassaye – Feu Bassidiki Touré dit Bakoroba , Feu Salif Keïta, Cheick Fantamady Keïta et Feu Idrissa Diakité dit U.T.A