Journal Le Sphinx

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STRATÉGIE DE CROISSANCE ACCÉLÉRÉE POUR LE RIZ ET LE COTON

Comment ressusciter deux secteurs stratégiques d’une agriculture mort-née ?

Le Mali n’a jamais été un pays à vocation agro-pastoral. Oui, cela peut paraître étonnant, mais lorsqu’on analyse la situation, on comprend vite.  Depuis 1968, il n’y a pas eu de véritable politique planifiée et coordonnée pour faire de l’agriculture un pôle de développement économique et l’autosuffisance alimentaire du Mali. Les agriculteurs, excepté une centaine, n’ont pas non plus réussi à faire de ce secteur un business industriel et commercial. 63 ans après l’indépendance, l’Agriculture au Mali reste à un niveau primitif avec 8 millions de travailleurs de terre qui peinent à avoir leur pitance. Et pourtant, cette agriculture mort-née peut être sauvée rien qu’en investissant concrètement dans la production du riz et du coton.

«Le principal fléau de l’humanité n’est pas l’ignorance, mais le refus de savoir», disait Mme Simone de Beauvoir (philosophe et écrivaine française/1908-1986) ! Malheureusement, 63 ans après l’indépendance, les décideurs du Mali refusent d’admettre que le Mali ne se développera pas sans la modernisation du secteur agricole qui est le moteur de notre croissance économique. A l’exception bien sûr de la première République, qui a accordé à ce secteur névralgique, l’importance qu’il mérite on est resté dans les discours démagogiques.

Hisser le Mali sur la voie de l’émergence socio-économique nécessite cette correction. Dans le développement d’un pays, il faut que chaque acteur soit bien placé dans son secteur d’activité et bénéficie de l’État l’accompagnement nécessaire. D’abord qui est agriculteur ? Dans l’agrobusiness, c’est un exploitant agricole qui travaille la terre dans le but commercial ou industriel. Quant à l’exploitation agricole, elle est définie comme une unité de production remplissant les trois critères que sont produire des produits agricoles ; avoir une gestion courante indépendante ; atteindre un certain seuil en superficie, en production ou en nombre d’animaux.

Ce seuil a été défini comme une superficie agricole utilisée au moins égale à un hectare ; ou une superficie en cultures spécialisées au moins égale à 20 ares ; voire une activité suffisante de production agricole, estimée en cheptel, surface cultivée ou volume de production. Un paysan, quant à lui,est une personne vivante en milieu rural et travaillant la terre pour se nourrir. Il est souvent équipé de moyen de travail rudimentaire. Le Mali (21,900 millions d’habitants sur 1 241 238 km2) compte 8 millions «d’agriculteurs» et seulement 4 millions d’hectares cultivés, soit un peu plus de 3 % de sa superficie. Certes, la moitié du pays est située en zone aride, mais le reste (620 500 km2, soit un peu plus que la France) est propice à l’agriculture.

Selon les données du recensement (RGA, CPS, 2005), 54 % des exploitations au Mali possèdent au moins une charrue, 72 % des superficies (soit 2.358.308 hectares) sont cultivées à la traction animale pendant que 17 % (soit 119.000 exploitations) sont encore en mode manuel contre à peine 1 % en motorisé. Le nombre de tracteurs en services est estimé à 2 000 et quelque centaine de motoculteurs (essentiellement dans les rizières). En considérant les 8 millions d’exploitants et seulement 3 millions d’hectares cultivés, nous obtenons un ratio de 2,666 paysans pour un hectare en 2015.

Selon les derniers chiffres de l’Agence nationale de la météorologie (Mali-météo), organisme public spécialisé en 2021-2022, les paysans maliens ont produit un peu plus de 13 millions de tonnes de céréales, sur la prévision de production d’un peu plus de 10,5 millions de tonnes. Il y a 41,2 % de maïs, 28,6 % de riz, 15,1 % de mil, 14,3 % de sorgho, 0,5% de fonio et 0,2 % de blé pour une superficie à cultiver estimée à 6.061.726 hectares. Nous complétons avec les 400 000 tonnes de coton produits sur la même période.

A la lecture de ces chiffres, nous sommes vite convaincus que l’agriculture n’est pas une vocation de politique de développement en République du Mali. Les différents gouvernements sont plutôt intéressés par l’argent de fibres de coton et les mannes des redevances eau en zone Office du Niger ou encore de l’Office de périmètre irrigué de Baguinéda (OPIB).

Et si comparaison était Raison !

Prenons deux pays européens, première et deuxième puissance agricole , (la France et l’Allemagne) et faisons la comparaison qui, pour une fois, doit être «Raison». Avec 65 millions d’habitants sur 551 695 km2, la France a 28, 2 millions d’hectares cultivés. En 2020, elle comptait près de 389 000 exploitations agricoles sur tout le territoire. Le nombre d’emplois directs est de 850 000. En 2021, la production agricole française était estimée à près de 81,6 milliards d’euros. Cela lui permet de garder le monopole en termes de production agricole au niveau européen. Elle concentre en effet plus de 17 % de la production totale de l’Europe, devançant ainsi l’Allemagne et l’Italie.

Toujours en 2021, elle aurait exporté plus de 70 milliards d’euros dans le secteur agricole et agro-alimentaire. Sur la même année, la production agricole était évaluée à près de 81,6 milliards d’euros. Il est important de souligner  ici, que la taille d’une exploitation agricole en Hexagone est de 69 hectares.

L’Allemagne (avec une superficie de 357 588 km2) est le 2e producteur agricole de l’Union européenne (UE) derrière la France. Plus de la moitié de la surface du territoire allemand est utilisée à des fins agricoles, soit près de 17 millions d’hectares. Près de 70 % de la surface agricole est cultivée sous forme de terres arables. La population allemande a franchi un record historique de 84,3 millions de personnes en 2022. Il faut préciser que le nombre d’exploitants agricoles était de à 263 500 en 2021. En 1997, la taille moyenne d’une exploitation agricole en Allemagne était de 32,1 hectares, de 24,7 hectares en Allemagne de l’ouest et de 201,7 hectares en Allemagne de l’est.

Abdou Karim Dramé

Journaliste freelance, analyste des Enjeux et Innovations du Développement durable.

Tél. +223 68 52 03 03