Journal Le Sphinx

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KLEPTOMANIE FINANCIÈRE AU MALI

Que vaut le rapport du VEGAL ?

C’est toujours la même litanie : des dizaines, voire des centaines de milliards F CFA détournées par-ci ; autant de mannes financières dilapidées par-là ! Plus d’une décennie que le Bureau du Vérificateur fonctionne à coup de millions F CFA proches des montants reprochés. Le phénomène continue de plus belle et ne donne nullement l’impression de s’arrêter dans un proche avenir. Les raisons ? Elles résident certes dans le système judiciaire (l’impunité ambiante) et aussi et surtout, dans les dédales administratifs.

Il est évident que les «détournements» et «mauvaises gestions» n’auraient été possibles sans la défaillance (dysfonctionnement et/ou corruption) au sein de l’appareil administratif et souvent, à travers des détails presque insignifiants. Mais le grand public voire les acteurs eux-mêmes se focalisent sur le volume du montant en cause. Et si le mal se trouvait ailleurs ?  

Les techniques des kleptocrates

Si les stratégies sont bien connues, les vérificateurs, contrôleurs, auditeurs, juges d’Instruction, etc.,  préfèrent généralement regarder ailleurs. Certains, visiblement dans l’espoir d’obtenir à leur tour, des dividendes. Pas tous, bien entendu. 

A l’instar des précédents rapports, celui de 2021 égraine à son tour les manquements à l’orthodoxie administrative ayant rendu possibles les détournements et dilapidation : «fractionnement de dépenses publiques ; non-déclaration et non-paiement de cotisations fiscales et/ou sociales ; paiement de dépenses indues, fictives, inéligibles ou non supportées par des pièces justificatives ; non-application de pénalités sur des marchés dont l’exécution a accusé un retard ; non-reversement au Trésor Public des produits issus de la vente des Dossiers d’Appel d’Offres ; paiement intégral de travaux non entièrement exécutés ; non-recouvrement des frais d’édilité par les Collectivités Territoriales en contrepartie de l’attribution de titres de propriété ; règlement de marchés publics sans l’acquittement des droits d’enregistrement et de la redevance de régulation ; non-collecte et non-reversement des recettes collectées, le cas échéant, etc.». 

De simples fautes administratives ? Pas si simples que çà. Tenez par exemple «le fractionnement de dépenses publiques». La Loi exigeant un appel d’offres à partir d’un seuil, les acteurs fractionnent ainsi le marché en plusieurs offres en deçà du montant légal afin de contourner la législation en vigueur, moyennant, bien entendu des bakchichs. La qualité des travaux et le délai impartis sont alors impactés.   

«La non-application de pénalités sur des marchés dont l’exécution a accusé un retard» : c’est certainement le secteur de la grande corruption. Rares sont les entreprises qui respectent les délais impartis conformément au cahier des charges. Doit normalement suivre une pénalité conséquente. Mais contrôleurs, Maîtres d’œuvres et d’ouvrages se mettent ensemble pour passer l’éponge. Bien entendu, le responsable administratif de tutelle au sein de l’Exécutif ou parmi les politiques, est impliqué dans l’omerta…

Il s’agit, dans tous les cas, de «petites fautes» administratives à l’apparence anodine mais derrière lesquelles se cachent des montagnes de corruption et de dilapidation des deniers publics. Il parait que le diable se cache dans les détails. 

Les rapports de contrôle, vérifications, d’audits, etc., continueront certainement à dénoncer le détournement et la mauvaise gestion portant sur de faramineuses sommes, mais la pratique et le système continueront de plus bel tant que les fautes administratives resteront impunies.   

Batomah Sissoko  

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