Un couteau à double tranchant
«Interdiction, avec effet immédiat de toutes les activités menées par les ONG opérant au Mali sur financement ou avec l’appui matériel ou technique de la France, y compris dans le domaine humanitaire». Telle est la décision des autorités maliennes entérinée par le conseil des Ministres. Si ces Organisations Non Gouvernementales ne sont pas sans reproches, il est évident que la mesure impactera beaucoup plus les populations et risque fort de retomber sur Bamako. Décryptage !
Les ONG opérant en Afrique ne sont, en effet pas sans reproche. De l’avis de certains cadres et ex-employés, elles seraient à l’origine profonde des crises au Sahel en l’occurrence ainsi que des velléités indépendantistes.
Pour autant, sur place depuis l’aube de l’indépendance, les populations sont habituées à leur présence. Elles font désormais partir du décor. Modibo Mao Makalou, éminent économiste de renommée internationale, dans une sortie sur la question, rappelle que «le Plan de Développement Économique et Social (1961-1965) communément appelé plan quinquennal était financé à hauteur de 40% par des partenaires extérieurs dont les 4 plus importants étaient d’abord l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS avec 23%, ensuite la France (17%) puis la Chine (16%) et le Fonds Européen de Développement (FED) avec un apport de 15% de l’APD.
Et, poursuit-il, «l’aide publique au développement » (APD) l’aide fournie par les États dans le but exprès de promouvoir le développement économique et d’améliorer les conditions de vie dans les pays en développement».
Toujours selon le spécialiste, «en 2020, le montant engagé d’APD de la France au Mali était de 233 millions d’euros (soit environ 153 milliards FCFA) y compris 95,6 millions d’euros (soit environ 62 milliards FCFA) de dons. La France est aussi le deuxième contributeur derrière l’Allemagne au sein du Fonds Européen de Développement (FED) qui agit au Mali dans les domaines du développement rural, de l’environnement, de l’aide humanitaire, des infrastructures routières, du développement urbain et social, de l’appui institutionnel et de la culture. Cet appui s’est matérialisé au Mali durant le 11ème FED (2014-2020) à hauteur de 403 milliards FCFA».
Pour faire court, l’apport de ces Organisations Non-Gouvernementales financées par la France est considérable. Et une grande partie des populations du Nord et du Centre ne doit sa survie que grâce à ces Aides Publics au Développement (APD) ce, depuis les premiers jours de l’indépendance.
Leurs secteurs d’activités sont : la santé, les banques et services, l’éducation, l’eau et l’assainissement, l’agriculture, les interventions d’urgence, le gouvernement et la société civile, les infrastructures et services et le soutien budgétaire…
Et selon le collectif d’ONG, l’arrêt de l’APD française au Mali remet en cause près de 70 projets de développement en cours ou prévus dans le pays ces prochaines années au profit des populations maliennes vulnérable.
Une décision à double tranchant?
La décision du Gouvernement malien portant interdiction, « avec effet immédiat de toutes les activités menées par les ONG opérant au Mali sur financement ou avec l’appui matériel ou technique de la France, y compris dans le domaine humanitaire» ne sera pas sans conséquences aussi bien pour les populations que pour ses auteurs.
Il est évident que les populations seront désormais abandonnées à elles-mêmes. L’État malien étant abonné aux absents, on imagine aisément les jours sombres qui s’annoncent pour elles.
La survie obligeant, les indécis, voire les pacifistes risquent fort de s’allier aux organisations criminelles et/ou indépendantistes. Et c’est pour ensuite harceler l’Armée régulière malienne et prendre pour cible les symboles de l’État.
L’on sait par exemple que le terrorisme tire sa légitimité de l’injustice, mais également de la pauvreté et du désespoir des populations. D’ailleurs, les recruteurs mobilisent plus au sein des couches les plus défavorisées, généralement en proie à la faim, à la soif, bref, dans le besoin constant.
Tout se passe comme si l’État malien jetait ainsi les populations, véritables enjeux de la crise multiforme que connait le pays, dans les bras d’un ennemi qui ne pouvait mieux demander. Hélas !
Au demeurant, il existe des ONG maliennes bénéficiant ou du financement, ou de l’expertise français. Ces structures emploient un nombre important de personnel malien… A chacun d’apprécier.
En tout état de cause, si les ONG, qu’elles soient maliennes ou étrangères ne sont pas irréprochables, l’État malien l’est-il au regard de sa décision d’interdiction très discutable ? Elle (la décision) devrait être murie, planifiée et minutieusement préparée avant sa mise en œuvre. À moins que les autorités de la transition de décident de combler le gap que provoquera une telle décision. Ne nous leurrons pas, aucun pays n’accepterait de laisser le financement des ONG passer hors de son contrôle surtout en ces temps d’hostilités et de tensions entre les deux pays. Le contrôle des financement des ONG a été toujours une obsession pour les États qui veulent toujours savoir qui finance quoi et pourquoi.
Désormais l’État malien n’a pas le choix, il faut qu’il mette la main à la poche pour aider ces malades du Sida et ces populations vulnérables à survivre. Il y va de la stabilité du pays ou ce qui en reste.
Batomah Sissoko et A.D