« La perfection des moyens et la confusion des buts semblent caractériser notre époque » cette assertion d’Einstein, reste à nos jours d’actualité. En effet, soixante ans après l’indépendance, les maliens ne savent plus à quel saint se vouer ! Civils et Militaires se renvoient la responsabilité de l’échec Les uns et les autres ont alternativement gouverné le pays, puis les édiles ont amalgamé les deux catégories pour présider à leur destinée en procédant par intermittence à des élections chaque fois entachées d’irrégularités diverses, sans jamais parvenir aux résultats escomptés, pis encore, tout l’édifice semble s’affaisser au point d’atteindre un délabrement institutionnel anomique. Les uns et les autres se rejettent la faute, quand dans l’intervalle naquit arme à la main, une troisième catégorie issue de zones irrédentes, résolue à la partition du territoire. La France et dans son sillage, l’Europe et les Nations-Unies s’interposent en installant sur le même périmètre trois armées aux missions différentes. Les pays limitrophes s’embarrassent de cette situation et réagissent différemment mais sans concertation. Les enjeux spatiaux déterminent une organisation velléitaire et ce nomos criminogène engendre tous les maux obsidionaux. La diversité des intérêts intriqués et la confusion des esprits ( patiemment alimentée et entretenue par une théodoxie salafiste ) dissimulent de sombres desseins aux relents anti-Républicains dans la nostalgie de pratiques esclavagistes et autres archaïsmes, tant qu’on ne peut faire l’économie de la géopolitique ni de la poliorcétique pour démêler l’écheveau et proposer l’amorce d’une sortie de crise. Une tare rédhibitoire, rémanente, est formellement identifiée : la Corruption, et depuis 1992 elle ne cesse de croître telle un chancre mou, elle gangrène l’ensemble du corps social, l’administration, la justice et toute la classe politique. Prébendes, malversations, concussions, fraudes sont devenues des pratiques habituelles. Le bilan des différentes équipes de gouvernement mutatis mutandis, tout le long des soixante années est globalement négatif, avec une détérioration accentuée cette dernière décennie. Le constat d’échec est sans appel, la bonne preuve est que la capitale, Bamako croupit sous les déchets, les eaux usées, les déversements à l’emporte-pièce d’ordures urbaines, les boues et effluents d’égouts, un ensemble constituant plusieurs hots pots de pollution qui acheminent la vermine vers le fleuve Niger. Dans ce temps, la nouvelle des récoltes abondantes de l’orpaillage alors même que son organisation est laissée en déshérence, s’est répandue en ondes concentriques jusque sur les rives de l’Euphrate. La géopolitique commence avec les rivalités d’intérêts, et la guerre n’est que la poursuite d’une politique géographique que la diplomatie échoue à résoudre ex ante. Sur cette scène, deux nouveaux acteurs font une apparition remarquée, ils viennent d’Asie et du Moyen-Orient : la Chine et les pétro-monarchies. Tous les deux souhaitent une nouvelle organisation du commerce mondial mettant un terme aux accords de Bretton-Woods. Quels sont leurs arguments ? La Chine offre l’ingénierie financière ainsi que sa maîtrise de l’industrie portuaire, routière, aéroportuaire et ferroviaire avec un marché dynamique d’environ 1,393 milliard de consommateurs ou plus. Les pétro-monarchies proposent des financements, une organisation vectorielle et stratifiée de la société, correspondant à une « restructuration pseudo-moderniste de la féodalité » se résumant à la multiplication des manifestations cultuelles et culturelles. Dans les deux cas, il est illusoire de promener sa sébile, les rivalités d’intérêts dressent les uns contre les autres, cependant que la « toute puissance » américaine contestée, n’a pas la moindre intention d’abdiquer, elle proclame « la liberté et la démocratie » et sous sa bannière toutes les nations signataires des accords de Bretton-Woods se sont rangées.
La vieille classe politique malienne et les jeunes militaires s’observent depuis leur « casemate » respective, tandis que le « religieux » fourbit ses armes, il a été de tous les combats, son habileté consistant en ses « mea maxima culpa » tout azimut, puis à se ranger du côté des vainqueurs. Rompu à la dialectique des masses, le religieux sait qu’en chavirant un navire qui cabote offre plus de chance de survie qu’un navire qui prend le large ! Il sait que dans ces occurrences aucune des considérations partisanes, catégorielles ou corporatistes n’est salvifique, seules les compétences sont salvatrices. Les maliennes et les maliens commencent de comprendre qu’ils sont dans un seul et même navire dénommé « MALI » qui vogue depuis 1960 en cabotant. Militaires et civils doivent convenir qu’il siérait de doter le bateau dans lequel ils sont tous embarqués, d’instruments numériques et de géolocalisation pour une navigation hauturière au lieu de chercher vainement un Capitaine idéal, un hypothétique épigone de J. Campbell maitrisant la science du sextant, car en effet, le développement, c’est prendre le grand large, chacun à son poste. Savoir lire l’aire sous la courbe suppose une bonne imprégnation au calcul de l’intégral que tout décideur véritable devrait maîtriser !
Cette métaphore filée illustre à mon sens la crainte évidente de voir à terme le « vivre ensemble » des maliens aller à vau-l’eau et le navire « MALI » couler à pic, sombrant corps et biens.
Dr Souleymane Kamara
Cabinet Auteuil-Pass,4, Square Raynouard
75016 Paris