Après la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis renversaient les gouvernements de leur pré carré latino-américain au gré des ennuis de leurs firmes géantes comme United Fruit. Orano, l’héritière de la sulfureuse Areva, semble inverser ce schéma, et pratiquer une guerre économique et politique contre le Niger pour le compte de l’Élysée.
Orano est actionnaire, avec Sopamin1, une société de patrimoine représentant l’État du Niger, de la Somaïr, l’opérateur historique des mines d’uranium[1] dont on fait le «yellow cake». Il s’agit donc d’abord d’une relation d’entreprises portant chacune des soucis de gestion. Orano décide d’arrêter la production sur les sites de Somaïr[2] avec l’argument qu’il n’y a pas eu d’exportations d’uranium nigérien en 2024. Sopamin, préoccupée du maintien de l’emploi et de la chaine de valeur dans une région sensible souhaite acheter[3] à Somaïr une partie du stock non exporté. Nicolas Maes, patron d’Orano, en pointe dans les accusations diverses et variées contre Niamey, se plaint de tout : les conditions d’extraction et les coûts financiers sont trop élevés et surtout il n’est pas possible d’exporter la production. Nicolas Maes a donc évoqué la possibilité de transporter en Namibie[4] par avion l’uranium de Somaïr pour une valeur de stock estimée à 300 millions US $.
La manœuvre est couteuse et grossière. Déplacer le stock nigérien en Namibie où Orano poursuit ses activités correspondrait à une saisie-arrêt. Une large partie du litige souterrain avec Orano porte sur la dette de Sopamin qui s’est alourdie de manière douteuse durant les années Issoufou et Bazoum. Les accusations américaines largement relayées en 2024 d’ un accord secret conclu entre le gouvernement nigérien et l’Iran pour l’exportation de « yellow cake » vers ce pays expliquent aussi le gel des exportations.
1 Nigerien state company Sopamin is a shareholder with Orano, which holds a majority stake in Somaïr, the last site that the French group was still operating in the country.
L’actuel Premier ministre nigérien a en effet été très direct avec les autorités américaines en réfutant complètement la rumeur d’un accord actuel entre l’Iran et le Niger. Le fait qu’aucune exportation d’uranium ne soit intervenue en 2024 renforce la position officielle de ne pas être en contravention avec l’AIEA.
Orano dévoilera finalement sans trop de finesse la raison politique de son offensive tous azimuts contre le pouvoir de Niamey. Le groupe nucléaire français dénonce d’abord le ministre nigérien Ousmane Arbachi qui lors du forum Russie-Afrique de Sotchi a invité les compagnies minières russes à venir dans son pays. Ousmane Arbachi, à cette occasion, précisait que le sous-sol du Niger est riche de beaucoup d’autres minerais que l’uranium.
Puis Orano donne l’explication[5] de sa stratégie de la menace et de la tension géopolitique : « Concernant les sociétés françaises, le Chef de l’État ne reconnait pas les autorités nigériennes. Dans ce cas est-il possible que l’État du Niger accepte que des compagnies françaises continuent d’exploiter nos[6] ressources nationales ».
Après les désastres technologiques d’Areva et ses malversations en milliards d’Euros , en particulier en RCA, Orano devait donner une autre image du géant atomique. Elle demeure pourtant à 90 % dépendante de l’État qui a refusé d’introduire le groupe en bourse, cela lui imposant des subventions bien lourdes en ce moment de crise française des finances publiques. Le président Macron pèse sur le retrait d’Orano du Niger et cette compagnie expose sans fards la volonté politique de la France. Cela rappelle beaucoup un autre fleuron de la Françafrique, Elf Afrique.
Le conseil des ministres du Niger, en septembre dernier, anticipait le départ d’Orano et créait une entité publique «Timersoi National Uranium Company » (TNUC). En 2025, avec des partenaires nouveaux comme l’Azerbaïdjan entre autres, le Niger entend bien reprendre l’exportation d’uranium, une source d’énergie qui mobilise les acteurs du Sud global. La mine nigérienne de Dasa devrait aussi prendre le relais des sites de la Somaïr à partir de 2026.
Olivier Vallée
[1] Niger is the world’s seventh largest producer of uranium and has the highest-grade ores on the African continent. It accounts for 4.7% of the world’s natural uranium production. In 2022, Niger provided more than a quarter of the uranium used in the European Union, the second biggest supplier aMer Kazakhstan, according to Euratom. France has depended on Niger for up to 15% of its uranium needs.
[2] Somaïr Board of Directors mee<ng has failed to resolve growing tensions between shareholders – France’s Orano (63.4%) and Niger state company Sopamin (36.6%). Niger’s military government is disputing a decision by Orano to cease uranium production at the Somaïr uranium mine. Orano announced in October that it was stopping production in face of increasingly difficult operating conditions and financial issues.
[3] Niger states in the document wish to « purchase 210 tons of uranium through the natural channel of
Sopamin, » which it said would « allow Somair to continue its activites. »
[4] Orano’s decision followed border closures between Niger and Benin, which leM 1,050 tons of uranium concentrate from the 2023 and 2024 stockpiles stranded. Orano estimates the value of the blocked uranium at €300m ($324m), representing almost half of the site’s average annual production. Orano said it had considered various op<ons to no avail, including airliMing uranium through Namibia.
[5] https://www.neimagazine.com/news/niger–orano–uranium–dispute–escalates/?cf–view
[6] He added: “With regards to French companies, the French government – via its head of state – has said it does not recognise the Niger authorities,” he said. “Does it seem possible in this case that we, the State of Niger, accept that French companies continue to exploit our natural resources?”