Le philosophe s’est éteint le Samedi 30 Novembre 2024 à Paris où il résidait pour ses soins.
J’ai connu Issa Ndiaye vers le milieu des années 80. À l’époque, il menait une sorte de « résistance syndicale » face à la dictature du général Moussa Traoré qui l’avait injustement radié de la fonction publique. Au cours de cette période, il venait quotidiennement à la coopérative Jamana pour rédiger ses correspondances adressées au Bureau international du travail (BIT) et à ses nombreux contacts et réseaux progressistes d’Afrique, d’Europe, d’Amérique Latine et d’Asie qui ne cessaient de lui de témoigner leur solidarité militante.
En définitive, le Bureau international du travail, dans une magnifique délibération a instruit à la dictature du général Moussa Traoré de rétablir le syndicaliste dans tous ses droits.
C’est au cours de cette période difficile de sa vie qu’Issa et moi avons noué des liens qui, au fil du temps se sont raffermis, surtout, pendant la phase décisive de la lutte du mouvement démocratique menée par l’ensemble des forces progressistes: ADEMA, CNID, US-RDA…
Issa, le philosophe a joué un rôle déterminant pour mettre un terme à l’une des plus féroces dictatures d’Afrique à cette époque.
Je garde de Issa Ndiaye le souvenir de ses excellents portraits et hommages qu’il a rendus à ses camarades Mohamed Lamine Traoré, Hama Cissé et à certains héros tels Fidel Castro, Frantz Fanon et Salvador Allende.
Excellent portraitiste, Issa avait le mérite d’être objectif, il dressait un portrait objectif des personnes auxquelles il rendait hommage. Je tâcherais d’imiter modestement son style.
Issa Ndiaye était timide, peu communicatif. Mais, lorsqu’on franchissait la barrière de sa timidité, on découvrait un homme chaleureux, très social, profondément ancré dans la tradition malienne consistant à rendre service à son prochain. Issa était un homme blessé, ayant énormément souffert des multiples arrestations et tortures infligées par la sinistre police politique de la dictature du général Moussa Traoré.
Depuis 2020, Issa était en traitement à Paris. Nous nous entretenons quotidiennement sur tous les sujets politiques national et international. Ces échanges réguliers étaient fructueux et féconds pour moi. J’apprenais constamment auprès de mon ainé, même si nos échanges pouvaient être parfois houleux car le brillant philosophe était rigide. Par exemple, je ne comprenais pas sa modération envers certains systèmes de gouvernance qu’il avait toujours abhorrés.
Au-delà de cela, Issa demeure et demeurera à jamais l’un de mes mentors auprès de qui j’ai beaucoup appris, notamment, en matière de philosophie. Le Mali reconnaît en lui, un homme de forte conviction, un ardent patriote ayant toujours su mettre son savoir au service des plus humbles. Pour lui, la théorie marxiste est un instrument précieux pour guider l’action de notre jeunesse et pour résoudre les nombreux défis auxquels l’Afrique se trouve confronter..
Issa était une voix engagée au service de l’humain, d’où sa participation à de nombreux foras en Europe, Afrique, Asie, Amérique Latine.
Puisse la Jeunesse d’aujourd’hui s’inspirer des enseignements de ce digne fils du Mali pour être le vecteur principal du changement qui mettra fin aux errements qui plombent notre société, à savoir: l’appât du gain facile, le mensonge, l’hypocrisie, la cupidité, la fourberie et la méchanceté.
La mort est une loi implacable qui s’impose à chaque être humain. Issa Ndiaye, le philosophe l’affirme brillamment: « le combat que l’on livre contre la mort est et restera toujours, quoiqu’on fasse une aventure personnelle, indicible, impossible à partager, la plus grande des tragédies humaines. Le face à face avec la mort reste terrible même pour un philosophe, même s’ils y sont, des fois, mieux préparés que le commun des Mortels, le philosophe sait mieux que quiconque boire la ciguë de l’ existence, il sait boire la mort avec le souffle de la vie ».
Malgré la gravité du mal qui l’emporta, Issa est resté un intrépide combattant sur son lit d’hôpital en continuant à conseiller et éclairer par ses analyses.
Dors en paix, cher frère, toi qui n’as jamais renoncé au combat. Tes enseignements demeureront notre bréviaire pour le Mali à construire.
Adieu philosophe, ton combat demeurera une source d’inspiration inépuisable.
Ton frère Moussa Sow. Washington DC, USA.